<= L’éphéméride de novembre 1912
De troublants indices du conflit européen à venir…
Décembre 1912 dans les journaux français.
Décembre 1912 en France : espoirs de paix et de guerre
La guerre des Balkans toujours à la une…
Les journaux français évoquent toujours en décembre les Balkans, avec cette fois un armistice, signé le 3 décembre, une conférence à Londres et des espoirs de paix. Le supplément illustré du dimanche du Petit Journal consacre au conflit la plupart de ses illustrations, en première et dernière de couverture. Celle du 1er décembre est particulièrement terrible : aux désastres et misères de la guerre s’ajoutent ceux causés par le choléra, représentés de manière dramatique…
Las ! La Grèce refusa le cessez-le-feu et les négociations furent interrompues le 5 février. Dès la fin de l’armistice, le 16 février, les hostilités reprirent.
Actualité politique et sociale en décembre 1912 en France
En décembre 1912, l’actualité sociale est intense. Pour ne retenir que quelques dates :
- Les journaux n’est font pas leur une, mais les 4 et 5 décembre, les ouvriers de l’usine Billancourt des frères Renault mènent une grève du chronométrage. Un coup de semonce dans la jeune industrie automobile, qui déploie alors
la fameuse méthode de M. Taylor
.
- Dans un court article dans l’Humanité du 9 décembre, Jean Jaurès évoque le droit politique des femmes, alors que la Commission du suffrage universel doit soumettre à la Chambre un projet de loi octroyant aux femmes le droit de vote pour les élections municipales et départementales.
Il faudra attendre 1919 pour qu’une proposition de loi pour le suffrage intégral des femmes soit votée par la Chambre des députés, avant d’être rejetée 3 ans 1/2 plus tard, en 1922, par le Sénat. La suite de l’histoire, vous la connaissez, 22 ans après…
- La loi Bonnevay du 23 décembre 1912 autorise les Offices publics d’Habitations à Bon Marché (HBM, ancêtres de nos actuels HLM).
La Croix consacre une partie de sa une du 20 décembre à cette loi.
Mi-décembre, les journaux commencent à évoquer l’élection présidentielle à venir, prévue le 17 janvier 1913. Les grands électeurs doivent désigner le successeur pour 7 ans du président Armand FALLIÈRES, qui ne brigue pas de nouveau mandat.
Vers le conflit européen : « pro patria » ou protestation contre la guerre ?
Les unes des journaux de l’époque semblent montrer le caractère inéluctable du conflit européen puis mondial à venir.
- Le Petit Journal prend l’initiative d’offrir aux récents médaillés de la guerre de 1870-1871 un diplôme, dont ils ont été privés faute de budget.
Le journaliste écrit, à propos de cette médaille : [un ruban]Vert et Noir. […] aux couleurs de deuil et d’espérance, une espérance toujours vivace
. - Le supplément illustré du même journal met en une, le dimanche 29 décembre,
une pieuse coutume
de sinistre augure :… la première sortie des bataillons de Saint-Dié, renforcés des « bleus », a pour objet la reconnaissance de la frontière. […] le commandant, ayant fait présenter les armes au bataillon rangé face à la vallée de la Bruche dit : « Jeunes et anciens, saluons la vieille terre d’Alsace. » Puis les clairons sonnèrent Au Drapeau
. - Dans le même temps, La Croix évoque le 8 décembre un projet du gouvernement belge d’
établir le service militaire général
, tandis que Le Petit Journal du 18 décembre titre en une :Le nouveau Budget de la Guerre allemand couvre de fer l’Alsace-Lorraine
. - Même l’Ouest-Eclair, pourtant loin d’être le plus va-t-en-guerre des quotidiens, propose en une du 26 décembre
L’Histoire de l’Alsace racontée aux petits enfants
…
Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent contre la guerre. Le dimanche 15 décembre, des manifestations ont lieu, essentiellement à Paris et en banlieue. Le lendemain, la C.G.T. organise une grève de protestation contre la guerre. Évidemment pour certains, comme Le Petit Journal, cette grève est un échec, d’autres évoquent la répression policière ou encore le Choeur unanime [de] toute la presse bourgeoise [qui] avec un immense soupir de soulagement s’est écriée : « Allons ! Ce fut un four ! ».
L’Humanité déclare « Guerre à la Guerre » et affirme la « Volonté pacifique du Prolétariat ». Le 1er décembre dans les colonnes du quotidien, Jean Jaurès – à propos duquel l’Ouest-Eclair écrit que son « dada » est la suppression des armées permanentes
– en appelle à la mobilisation des femmes pour éviter le conflit.
Je vous invite à lire cet article, si révélateur du tiraillement du moment, entre esprit revanchard et (début de ?) conscience des horreurs de la guerre. Jean Jaurès – plutôt « gonflé » – cite notamment Winston Churchill : Le monde dirait de la génération qui a laissé éclaté une semblable guerre : C’était une génération de fous
.
Et de conclure son article par ces mots, aussi tragiques que poétiques, et presque prémonitoires : la guerre où demain peut-être on poussera des millions d’hommes, invités, par une Europe démente et avouant sa démence, au bal de meurtre et de la folie
. Et ils furent des millions…
Naissances et décès en décembre 1912 en France
En décembre 1912 disparaissent…
Le 3 décembre, le journal La Croix fait sa une sur la disparition, le jour de ses 81 ans, de Celui qui créa la Maison de la Bonne Presse, qui lui donna la puissante impulsion dont elle vit encore, qui eut la joie devoir la Croix se développer malgré l’acharnement de l’enfer et qui, même éloigné d’elle par la persécution, ne cessa de l’aimer et de prier pour elle, le R. P. Vincent de Paul Bailly, « Le Moine » [NDLR : son nom de plume]
.
En décembre 1912 disparaît aussi, le 24 à Paris, le peintre Édouard DETAILLE (né en 1848). Quelque peu oublié aujourd’hui – son nom ne figure pas dans les commémorations nationales officielles 2012 – l’artiste était apprécié de ses contemporains, de nombreux quotidiens se faisant l’écho de sa disparition, comme Le Petit Journal, Le Petit Parisien qui évoque un grand peintre
dont l’œuvre la plus populaire serait le « Rêve », ou encore L’Ouest-Eclair qui déplore la disparition de l’un de nos plus grands peintres d’histoire
!
Le Rêve… Cette huile sur toile appartenant au musée d’Orsay fut présentée au Salon de 1888. Y figurent de jeunes conscrits aux manœuvres, probablement en Champagne, qui rêvent à la revanche future…
Un beau livre : Édouard Detaille : un siècle de gloire militaire, par François Robichon, 2007.
En décembre 1912 naissent en France :
le 7 décembre à Anglemont (Vosges), Henri THOMAS Poète, romancier et traducteur. Homme de lettres, élève d’Alain et ami de Gide, il est aujourd’hui méconnu. Il fut pourtant maintes fois primé : Grand prix de poésie de l’Académie française, prix Supervielle, prix Médicis en 1960 pour l’étonnant John Perkins, prix Femina l’année suivante pour son roman Le promontoire… |
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le 11 à Anglet (Pyrénées-Atlantiques), Clément DUHOUR Chanteur, acteur, réalisateur et producteur, dans les années 1940 et 50. Il joua notamment dans Si Versailles m’était conté et Napoléon de Sacha Guitry, films sur lesquels il fut aussi producteur. |
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le 14 à Saint-Denis (Réunion), Henry SERS († 3 avril 1981, Saint-Denis) Avocat et homme politique. Député de la Réunion de 1966 à 1973. |
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le 18 à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine), Jean DEVAIVRE, de son vrai nom Jean-Justin de Vaivre († 27 avril 2004, Villejuif, Val-de-Marne) Résistant, cinéaste (réalisateur, scénariste, monteur…). Il reçut en 1949 la Voile d’Or – Grand prix du Festival international du film de Locarno – pour La Ferme des sept péchés. |
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le 21 à Dunkerque (Nord), Paul MEURISSE († 19 janvier 1979, Neuilly-sur-Seine, Hauts-de-Seine) Acteur de cinéma et de théâtre. Sa carrière cinématographique, prolifique, décolle en 1946 avec le film Macadam. Il joue ensuite avec et pour les plus grands, dans Les Diaboliques de Clouzot (1955), La Tête contre les murs (1959) de Georges Franju (né comme lui en 1912), Le Déjeuner sur l’herbe de Jean Renoir (1959), Le Jeu de la vérité de Robert Hossein (1961), L’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville (1969)… |
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le 21 à Sétif (Algérie française), Mario ZATELLI († 7 janvier 2004, Sainte-Maxime, Var) Joueur de football et entraîneur. Il entraîna l’Olympique de Marseille, notamment en 1972 lors du doublé coupe-championnat. Il fut une fois international français. |
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le 21, Jean GROSJEAN († 10 avril 2006, Versailles, Yvelines) Écrivain et poète, traducteur et commentateur de textes bibliques. Fidèle à la maison d’édition Gallimard, à la fois comme auteur et comme membre du comité de lecture, il y créa avec Jean-Marie-Gustave Le Clézio la collection « L’Aube des peuples », qui rassemble les grands textes fondateurs des civilisations. |
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le 23 à Albussac (Corrèze), Roger Sylvain LESCURE alias colonel Murat († 31 mai 2009, Terrasson-Lavilledieu, Dordogne) Résistant, compagnon de la Libération, cafetier de profession. |
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le 26 à Paris, Christian CASADESUS
Comédien, directeur de théâtre. Issu d’une famille versée dans les arts, il est le fils d’Henri CASADESUS, compositeur et chef d’orchestre, et notamment le frère de Gisèle CASADESUS, comédienne. |
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le 28 à Mulhouse (Haut-Rhin), François SPOERRY († 11 janvier 1999, Port-Grimaud, Var) Architecte, résistant et déporté. Il est surtout connu pour la réalisation de cités lacustres et de marina, dont… Port-Grimaud, la « Venise provençale », où il vécut à la fin de sa vie. Sa sœur Anne SPOERRY, médecin, surnommée « Mama daktari », trouve la mort à peine un mois après lui, à Nairobi. |
La citation
« Est-ce que toutes les femmes de l’Europe ne vont pas élever contre le crime
une protestation émouvante ? »
Jean Jaurès, dans L’Humanité du 1er décembre 1912
<= vous voulez peut-être revoir l’éphéméride de novembre 1912
vers 1913 =>
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