Un acte de baptême apparemment banal…
Une mention marginale pas banale…
Un rare exemple d’hermaphrodisme.
Baptême de Marie Marguerite, l’an 1792 à Bû
L’an mil sept cent quatre vingt douze le dixneuf
janvier par nous curé de ce lieu soussigné a eté
baptisée une fille née dhier,…
Un début d’acte bien banal, me direz-vous…
Poursuivons.
…du et en legitime ma-
riage d’augustin Metey Laboureur et de marie angiboust
son espouse du hameau des thilliers de cette paroisse
laditte enfant a eté nommée marie marguerite
Marie Marguerite est un homme !
Par jugement du tribunal
de premiere instance de Dreux,
du dix sept mai mil huit cent
quatorze, il a été déclaré que
le sexe de l’enfant denommé
dans l’acte ci-contre, est du
sexe masculin et que c’est
par erreur qu’il y est consideré
comme étant du sexe feminin.
Avons-nous là une simple erreur d’état civil, comme on en rencontre de temps en temps au détour des pages des registres ?
A priori non.
Le cas d’hermaphrodisme de Marie est évoqué dans le Dictionnaire de Médecine, repris avec moults détails dans l’ouvrage « Histoire des métamorphoses humaines et des monstruosités » d’Auguste DEBAY (1845), consultable sur Gallica (page 140).
Le dix-neuf janvier 1792, d’après l’examen d’une sage-femme, le curé de la paroisse de Bu constata la naissance d’une fille qu’on lui présentait, et lui donna les prénoms de Marie-Marguerite. Cet enfant parvint jusqu’à l’âge de quatorze ans sans que rien de particulier n’eût fixé l’attention de ses parents. Il couchait dans le même lit que sa sœur, moins âgée que lui, et grandissait au milieu d’autres jeunes personnes, dont il partageait l’éducation, les plaisirs et les jeux.
A cette époque de la vie où les organes de la générations sortent de la nullité, se perfectionnent pour être aptes au grand œuvre de la reproduction, Marie se plaignit d’une douleur à l’aine droite : une tumeur s’était manifestée à cette région. Le chirurgien du village pensa que c’était une hernie. […]
Marie atteignait déjà seize ans ; blonde, fraîche, bonne ménagère, elle inspira de l’amour au fils d’un fermier voisin; des raisons d’intérêt firent manquer ce mariage. Un autre parti se présenta deux ans après, et n’eut pas un meilleur résultat.
Cependant, à mesure que Marie avançait en âge, ses grâces disparaissaient, sa démarche avait quelque chose d’étrange ; de jour en jour, ses goûts changeaient : elle aimait mieux conduire la charrue, la voiture, que de s’acquitter des soins du ménage. Ces dispositions viriles, les propos du chirurgien, qui publiait que Marie était blessée de manière à ne pouvoir jamais se marier, n’empêchèrent pas à un troisième amant de se présenter. Le mariage allait avoir lieu, lorsque les parents de Marie se rappelèrent qu’elle n’était point faite comme les autres filles et n’avait jamais été réglée. Pour ne point abuser le fils d’un vieil ami, ils se décidèrent à la faire visiter par un médecin consciencieux et éclairé.
Quel furent la surprise, le désappointement peut- être, des personnes intéressées à ce mariage, lorsqu’on vint leur apprendre que Marie ne pouvait se marier comme femme, attendu qu’elle était homme.
Marie versa des larmes ; il fallut plusieurs mois pour rhabituer à l’idée qu’elle n’était plus femme. Enfin Marie prit un jour la résolution de se faire proclamer homme; il fit donc son entrée virile dans le village dont les habitants ne l’avaient encore vu que sous les habits féminins.
Après ce coup décisif, protégé par celui-qui était son amant, Marie se rendit dans les lieux fréquentés par les jeunes gens de son âge et partagea leurs divertissements.
Marie perdit bientôt toutes les habitudes féminines; mais ne pouvant contracter mariage à cause de son imperfection physique, il employa sa jeunesse et son activité à l’étude pratique de l’agriculture. Aujourd’hui Marie est un excellent agronome qui éclaire de ses conseils les paysans de son village.
Mais la vie de Marie, l’homme au sexe de femme, fut-elle vraiment comme on nous le laisse croire un long fleuve tranquille ?
Monsieur Marie Marguerite METEY
Finalement, elle, devenu(e) il, continuera pour l’état civil français à s’appeler Marie Marguerite, comme en témoigne l’acte de décès de son père Augustin, en 1836 à Chérisy (Eure-et-Loir).
Marie Marguerite ne fuira pas sa région natale et convolera même en justes noces en 1826 à Broué, à quelques kilomètres de Bû, avec Marie Angélique LEGRAND. Le couple restera apparemment sans postérité.
Marie Marguerite, rentier après avoir été cultivateur, s’éteint à Broué à l’âge de soixante-huit ans, le quatorze août 1860.
Actes, Archives Départementales d’Eure-et-Loir :
- Acte de mariage de Marie Marguerite MÉTEY et Marie Angélique LEGRAND, 1826, Broué, cote 3 E 062/006, vue 200
- Acte de décès d’Augustin MÉTEY, 1836, Chérisy, cote 3 E 098/008, vue 253
- Acte de décès de Marie Marguerite MÉTEY, 1860, Broué, cote 3 E 062/008, vue 224
Une autre histoire qui pourrait faire l’objet d’un nouvel article : la famille, en la personne d’Augustin, père de Marie Marguerite, fut impliquée dans un procès concernant la succession de sa tante, Madame de Villarceaux. Je vous invite à consulter la Gazette des tribunaux du 20 mai 1832.
Cette histoire n’est pas sans rapport avec le sujet de l’hermaphrodisme qui nous occupe aujourd’hui, car ce serait Monsieur Worbe, filou et filleul de Madame de Villarceaux, qui aurait révélé la singularité de Marie Marguerite.
Augustin Métey avait deux enfans. Le premier avait toujours été considéré comme fille ; aujourd’hui, il est homme, et c’est par un bienfait de M. Worbe. En effet, Marie-Marguerite Metey était né avait une certaine ambiguité de sexe, qui l’avait d’abord fait prendre pour une fille ; Mais M. Worbe, physisiologiste exercé, ne fut pas trompé par les apparences ; il fit constater le véritable sexe de la jeune Metey, et rectifier l’erreur de l’officier de l’état civil. Depuis cette époque on appela Marie Marguerite le garçon de M. Worbe.
La Citation
« La femme est le meilleur de l’homme. »
Félix Lope De Vega
Une réponse à Marie Marguerite, l’hermaphrodite