
Paul DOUMER a été le 14ème président de la République française. Cet autodidacte – dont ses contemporains diront qu’il est « le fils de ses œuvres » – réalisa sous la IIIème République une brillante carrière politique, qui l’amena jusqu’à l’investiture suprême. Sa présidence prit toutefois fin de manière tragique après une année au pouvoir : il fut assassiné le 6 mai 1932 à Paris.
Tragique, c’est d’ailleurs sans doute le mot qui qualifie le mieux le destin de la famille DOUMER, que nous allons maintenant évoquer.
Joseph Athanase dit Paul DOUMER
La vie de Paul DOUMER
Joseph Athanase nait le 22 mars 1857 à Aurillac (Cantal), dans une famille modeste. Notez qu’il ne prit le prénom de Paul, sous lequel il reste connu, que dans les années 1880.
Peu de temps après sa naissance, la famille monte à la capitale ; Paul ne gardera aucun lien, ni personnel ni électoral, avec son Auvergne natale. Son père, cheminot, décède alors qu’il n’est encore qu’un enfant. La misère de la famille est telle que Paul doit travailler dès l’âge de 12 ans.
Il poursuit toutefois avec ténacité ses études en cours du soir à l’école des Arts-et-Métiers, et obtient son baccalauréat ès-sciences, puis, en 1877, une licence de mathématiques. Il vit alors dans la famille d’un de ses camarades, dont il épousera une sœur, Blanche RICHEL, en 1878. Il sera professeur puis journaliste, avant d’entrer en politique, en tant que radical, au milieu des années 1880.
Paul DOUMER sera successivement député de l’Aisne (1888) par deux fois, député de l’Yonne, ministre des Finances par trois fois, gouverneur général de l’Indochine française, président de la Chambre des députés (1905), sénateur de Corse (1912), président du Sénat (1927)… Il est candidat une première fois à l’élection présidentielle en 1906, battu par Armand FALLIÈRES. Il est vainqueur cette fois le 13 mai 1931, contre Aristide BRIAND notamment, et succède à Gaston DOUMERGUE en tant que 14ème Président de la République française.
Le Petit Journal illustré du 22 janvier 1905 dit de lui : Toute la vie politique et administrative de M. Paul Doumer est […] un bel exemple de travail acharné, de méthode impeccable et de volonté.
Généalogie de Paul DOUMER
DOUMER est un patronyme rare, qui possède la même étymologie que… DOUMERGUE, nom de son prédécesseur, dont il est une variante. On le trouve aussi écrit DOUMERC ou DOUMERG dans les registres. Joseph Athanase « Paul » DOUMER descendait d’une famille paysanne du Lot, originaire de Séniergues et Montfaucon (distants de 3 km), au nord de Cahors. |
Les chansonniers de l’époque rimaient d’ailleurs, en 1931 :Nous avions Monsieur Doumergu’ |
Galerie de portraits de Paul DOUMER
Paul DOUMER restera dans l’histoire comme le président qui…
Il a perdu cinq de ses huit enfants lors de la Grand Guerre
De son union avec Blanche RICHEL naquirent 8 enfants, dont 5 fils. Pour ses fils, il rédige un ouvrage de morale intitulé « Le livre de mes fils » (publié en 1906, consultable sur Gallica). Ils assureront, après leur père, l’ascension sociale de la famille, en devenant industriel, ingénieur ou encore docteur. Toutefois, les fils DOUMER avaient un funeste rendez-vous avec l’Histoire.
La Grande Guerre enleva à Paul et Blanche quatre de leurs fils, morts pour la France :
- André, Lieutenant d’artillerie, mort de ses blessures le 24 septembre 1914 ;
- René, attaché bancaire, capitaine aviateur, « tué à l’ennemi » en 1917 ;
- Marcel, ingénieur, capitaine aviateur, mort pour la France en 1918 ;
- Armand, docteur en médecine, gazé, décédé en 1923, mort pour la France.
Les DOUMER perdent aussi en 1918 une de leurs filles, Lucile, épouse CRÉTÉ.
Blanche DOUMER ne quittera jamais le deuil après la mort de ses quatre fils.
C’est un des deux présidents français assassinés dans l’exercice de leurs fonctions
Après Sadi CARNOT, Paul DOUMER est le deuxième président assassiné durant son mandat présidentiel et l’unique président de la République décédé suite à un attentat au XXe siècle. Le 6 mai 1932, alors qu’il assiste à l’inauguration de la vente des écrivains anciens combattants à l’hôtel Salomon de Rothschild, il est grièvement blessé de deux coups de feu par Paul GOURGULOV (ou GOURGOULOFF). Il décèdera dans la nuit.
La nouvelle de l’assassinat du président, transmise vers 16 heures par la TSF, se répand rapidement dans tout le pays et soulève une émotion et une indignation très grandes. Une foule innombrable assista à ses funérailles nationales, le 12 mai, en présence de son successeur, Albert LEBRUN. Son épouse Blanche refusera que sa dépouille mortelle rejoigne le Panthéon.
La personnalité de l’assassin, activiste politique anti-communiste, déséquilibré, d’origine russe, amène rapidement l’affaire à se politiser. Dans les journaux, les éloges, qui font presque de DOUMER un sauveur politique, martyr de la République, se disputent les colonnes aux polémiques. L’Humanité crie au complot et soutient par exemple que l’attentat serait « une manœuvre tendant à précipiter la guerre contre l’URSS ». Paul GORGULOV est guillotiné en place publique le 14 septembre 1932.
Cf. l’article très complet sur le site Crimino Corpus.
Paul DOUMER, 13ème président de la IIIème République, élu un 13 (mai 1931), il aurait dit en plaisantant à un de ses collaborateurs de l’Élysée : Avec des chiffres pareils, je ne peux être qu’assassiné.
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Pour rajouter au tragique destin du couple DOUMER, il est écrit partout que Blanche est victime en 1933 d’un accident, et meurt dans de terribles circonstances après avoir été renversée par une voiture. Elle serait en fait morte de chagrin.
Enfin, des deux fils de Fernand, seul fils survivant de Paul DOUMER, seul Jean-Pierre eut un – unique – garçon, dont les deux petits-fils perpétuent aujourd’hui le patronyme DOUMER.
Par ailleurs, Philippe NIVET, fils d’Andrée DOUMER et futur attaché parlementaire de Pierre MESSMER, a obtenu via le décret présidentiel du 3 juin 1935 d’ajouter le patronyme DOUMER à son nom de famille.
[Ce dernier paragraphe a été modifié suite au commentaire de Paul DOUMER, que vous pouvez découvrir à la fin de cet article. Je lui présente mes plus sincères remerciements.]
Paul DOUMER à la une des journaux d’époque
Paul DOUMER en chansons et en images
À l’occasion de son élection à la présidence de la République, un hommage lui est rendu par son pays natal. Un hymne est mis en musique par Paul DEBRONS (compositeur, 1881-1941), avec des paroles d’Alfred PRODY. Le début de la chanson donne le ton :
Quelle fierté pour la terre auvergnate d’avoir vu naître et grandir Paul Doumer
. Il évoque ensuite l’ humble maison
, les quatre fils morts à la guerre, la belle carrière républicaine… [source Archives Départementales du Cantal]
Le Charivari, journal satirique, publiait quant à lui le 12 mai 1932 une autre sorte d’hymne (paroles de Raymond SOUPLEX, 1901-1972, sur une musique de Gaston CLARET), dont voici les premières lignes :
Maint’nant ça y est, y a rien à faire,
Voilà Monsieur Doumergu’ parti,
Fini ce sourir’ légendaire,
Que nous aimions tous tant ici.
Monsieur Doumer a pris sa place
Et donc, y a pas à discuter,
Il a un petit air qui glace.
Qui glace… c’est précieux en été.
C’est p’t-être bon pour la limonade,
Mais… c’est fini la rigolade.
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Citations de Paul DOUMER
Sache vouloir, fais ce que dois !
[Le livre de mes fils, 1906, page 21]Un homme n’est grand que s’il a vu la mort de près et l’a regardée en face, froid et impassible.
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