
Voici un acte de mariage insolite glané dans les registres de Moselle.
Jugez plutôt : le marié est âgé de 3 ans, la mariée est âgée de 2 ans !
Enfin …
Un acte de mariage pas banal, en 1697 à Marange (Moselle)
1. Le 28e Janvier 1697 Les nommées Philippe
2. Remy agé de 3 ans et Sebastienne noirel
3. agé de 2 ans ont recu la benediction nuptiale
4. dans lEglise de marange …
Des jeunes mariés de 3 et 2 ans. Évidemment, non.
Même s’il n’est pas si rare de trouver dans les registres paroissiaux de jeunes épousés de 14, 13 voire même 12 ans. J’ai notamment été frappé par ce phénomène dans le canton d’Uzerches (Corrèze), qui se prolonge même après la Révolution : par exemple, un mariage à Sainte-Eulalie, près d’Uzerches, d’un jeune homme de 18 ans avec une adolescente de 13 ans en… l’an XI (1802) ! Mais aussi, toujours à Uzerches pour l’an VIII (1798-1799), des mariés de 15 et 14 ans, 17 et 15 ans, 18 ans et 14 ans, 18 et 15 ans, 19 et 15 ans, 15 et 18 ans ou encore 16 et 19 ans (étonnant, non ?), 30 et 14 ans ou 27 et 14 ans (sans commentaire)… Environ un tiers des mariages de la période !
Cet acte de mariage insolite nous révèle donc surtout la pratique d’un curé organisé, qui apparemment préparait avant d’officier les actes pour les cérémonies à venir.
L’aspect étonnant de cet acte est l’oubli de compléter l’âge des mariés, d’autant plus surprenant que le curé devait nécessairement, actes à l’appui, vérifier l’identité des prétendants ainsi que la conformité de l’union souhaitée aux règles de l’Église. L’aspect embêtant… pour les généalogistes, est la pauvreté de cet acte « pré-rédigé » :
5. … en presence de leurs parens
6. et amis desquels plusieurs ont signez .
… ou pas ! 😉
Le texte de loi de référence
Néanmoins, il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves.
Code Civil, Livre Ier : Des personnes – Titre V : Du mariage
Chapitre Ier : Des qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage
La citation
Que pensez-vous du mot « mariage » dans « mariage pour tous » ? Qu’est-ce que le mariage pour une anthropologue comme vous ?
Le mariage n’a rien de sacré. C’est un contrat, qui est devenu dans notre esprit un contrat fondé sur l’intérêt collectif à unir deux groupes par l’intermédiaire de deux personnes. Et maintenant, sans même s’en rendre compte, ceux qui veulent à tout prix le protéger parlent de tout autre chose. Ils parlent d’un mariage fondé non plus sur l’intérêt collectif, mais sur l’amour, le penchant, le désir individuel, et qui n’a plus ce caractère fondateur du social. Les liens qui nous lient entre nous sont désormais garantis par l’État.
L’anthropologue Françoise HÉRITIER (quel joli nom :-)), interviewée par Le Point
On peut ne pas être d’accord – et la romantique en moi se révolte – mais sans conteste d’un point de vue historique, actes de mariage à l’appui, on ne peut que constater la justesse de l’analyse.