
Vous souvenez-vous de René et Jeanne, nos amoureux sarthois de 50 ans ?
Nous nous intéressons aujourd’hui à leur acte de mariage, daté du quatriesme jour de fevrier 1736
à Ste Gemme sur Sarthe
(aujourd’hui Sainte-Jamme-sur-Sarthe, Sarthe). Ce document se révèle d’une grande richesse et intéressera donc les généalogistes débutants ou qui entament leur quête d’ancêtres au-delà de la Révolution française. La structure de l’acte ainsi que les formules et abréviations employées sont en effet des clés permettant d’aborder ensuite tout autre acte de mariage extrait des registres paroissiaux.
Il peut aussi constituer un bon exercice de paléographie pour les généalogistes confirmés (niveau de difficulté moyen).
Bonne lecture ! 😉
De l’importance des actes de mariage pour le généalogiste
L’acte de mariage est un document clé pour l’établissement d’une généalogie. Il permet – notamment dans une première phase d’accumulation d’ancêtres et sur la période post-révolutionnaire – de remonter rapidement le fil du temps et de voir s’étoffer les branches de son arbre généalogique. Y sont cités les parents des époux, leurs dates et lieux de naissance… Ce document fait donc le bonheur du généalogiste…
… mais peut aussi le laisser dans une grande misère. L’acte de mariage peut se révéler bien décevant car d’une grande pauvreté. Le cas est rare après la Révolution (on peut penser toutefois à l’État-Civil reconstitué de Paris, cf. exemple ci-contre). Par contre dans les registres BMS, on peut régulièrement « tomber », parfois après une longue quête, sur un acte dans lequel l’un des conjoints se remarie, et donc ses parents ne sont pas mentionnés, un acte de mariage non filiatif (le curé n’a pas daigné citer les parents des époux), ou encore un acte d’une ligne, laconique : tel jour au-dit an, untel et unetelle se sont espousés…
Mais dans les registres paroissiaux, l’acte de mariage peut aussi être complet et même d’une grande richesse. Il faut alors savoir le lire et n’en perdre aucune miette. Décryptage et conseils de lecture…
Décryptage d’un (riche) acte de mariage du début XVIIIe siècle
Entamons donc la lecture de l’acte de mariage devant l’église de René LE TESSIER et Jeanne BUON.

Mariage de René LETESSIER et Jeanne BUON, 1736, Sainte-Jamme-sur-Sarthe - cote 1MI 843 R1 vue 36 | © Archives Départementales de la Sarthe
En préambule au mariage : la date, les bans…
[ligne 1] Le quatriesme jour de fevrier 1736
.
Importante, la date !
La date du mariage permettra d’estimer la période sur laquelle rechercher les baptêmes des époux (je retranche environ 20 ans pour l’homme, et un peu moins pour la femme) et de trouver donc ensuite le… mariage de leurs parents ! Une date à bien lire puis consigner sans erreur de recopie ou de saisie. Si vous éprouvez quelques difficultés à sa lecture, consultez d’autres actes écrits de la main du même curé et comparez. Regardez notamment les actes qui précèdent et suivent celui qui vous intéresse.
[lignes 1 à 3] après les fiancailles et publications des bans sans oppson par trois dimanches consecutifs aux prônes des messes paroissiales de La basoge, de Milesse et de cette parre
.
Une première formulation typique, qui révèle les pratiques de l’époque ancrées dans la lutte de l’Église contre la polygamie ainsi que les mariages de parents (par le sang ou par affinité, par alliance). Les bans, au nombre de trois (sauf dispense), permettaient à tout paroissien de signaler un éventuel empêchement au mariage.
L’intérêt pour le généalogiste réside ici dans le fait que le curé mentionne les localités dans lesquelles ont été proclamés les bans, qui comptent en général les paroisses de naissance et de résidence des époux – on peut lire dans certains actes les termes « de droit » et « de fait ». Dans le présent acte, le curé cite deux paroisses, et c’est bien à La Bazoge et à Sainte-Jamme qu’on trouve en 1718 les baptêmes de René et Jeanne (La Milesse peut être le lieu de résidence des parents de Jeanne).
L’engagement solennel des époux
[lignes 5 à 7] entre René Le Tessier et Jeanne Buon : Nous soussigné Ptre Curé de la parre de Ste Gemme sur Sarthe avons reccu des d parties le mutuel consentement de mariages par paroles de present
.
Et voilà l’engagement solennellement et publiquement prononcé. L’échange des consentements, par les époux eux-mêmes, est le pilier de la cérémonie de mariage. L’expression « par paroles de présent » prouve qu’il s’agit bien là d’un acte de mariage. Pour des fiançailles – qui jusqu’à la fin du XVIe siècle valaient mariage – la formule aurait été « par paroles de futur ».
C’est ici dans le texte de l’acte que l’on trouve les prénoms et noms des époux, information évidemment capitale qu’un bon curé, ou ultérieurement un autre clerc, a parfois pris la peine de noter en marge de l’acte rédigé. En cas de difficulté de lecture d’un nom, regardez s’il n’apparaît pas d’autres fois plus avant dans le document et observez aussi les éventuelles signatures présentes.
Les parents présents et témoins du mariage et les signatures
[lignes 8 à 10] en pnce de Christophle Buon et Jeanne Foucault pere et Mere d’une part francois Tessier Curateur + … Louise Tessier fe de Mathurin Garreau laboureur et soeur d’autre part, de Mtre…
. Suivent des témoins de l’Église (un sous-diacre et le sacriste) et [ligne 11] plusieurs autres parens, amys et tesmoins
, malheureusement sans plus de détails.
Les témoins ont été imposés par l’Église pour lutter contre les mariages clandestins (deux à partir du Concile de Trente en 1563, quatre après l’Ordonnance de Blois de 1579 du roi Henri III, qui décrète aussi le caractère obligatoire de l’accord des parents).
Ici sont mentionnés – ou peuvent être mentionnés, selon la bonne volonté du curé – les père et mère (vivants) ou « représentants légaux » qui ont autorisé le mariage, ainsi que d’autres parents (frères et sœurs, oncles et tantes, etc.). Des indications souvent séparées par l’inséparable binôme « d’une part »… « d’autre part ». Toutes ces informations doivent être exploitées. C’est parfois grâce à un collatéral que l’on identifie des parents non mentionnés dans l’acte de mariage de nos SOSA.
[lignes 11 et 12] les quels ont declaré ne scavoir signer fors les sousgnez avec Nous Curé susd
.
Suivent dans cet acte de nombreuses signatures, ce qui n’est pas si courant pour l’époque. Depuis 1667 (Code Louis qui instaure par ailleurs la tenue des registres en double exemplaire), les curés demandent aux époux de signer, ce qui clôt officiellement la cérémonie religieuse.
Quel était le niveau d’éducation de nos ancêtres ? L’absence de signature, parfois remplacée par une marque (le plus souvent une croix, parfois entourée par les soins du curé avec la formule « la marque de untel »), prouve l’illettrisme. Sa présence n’est par contre qu’une (petite) indication du niveau d’éducation de l’individu concerné. Une écriture mal assurée suggèrera une signature apprise par cœur, par recopie, tandis qu’une belle signature ornée d’une ruche (cf. celle de M. hemery par exemple) permettra raisonnablement de conclure à un bon niveau d’éducation, qui pourra être confirmé par la profession.
Un renvoi intéressant
[lignes 12 et 13] ayant consenti comme il nous a parû par certificat signé R. Goyer notaire Royal dmt a la basoge
.
Un renvoi signalé par une « + » après le mot « Curateur » (ligne 9), qui donne une indication intéressante (et précise, quelle chance !). Une invitation à explorer le fonds des archives notariales…
Les renvois signalés dans les actes des registres paroissiaux sont quelquefois difficiles à trouver (le renvoi est situé ici en lignes 12 et 13, dans le prolongement de l’acte et juste avant les signatures). Ils peuvent toutefois donner de précieuses informations, ou… corrections !
Notez que d’autres informations, non présentes ici, peuvent figurer sur les actes de mariage : âge des époux ou leur situation de majeur ou mineur, profession des mariés (au moins celle du futur époux), mention du décès des parents (et paroisse), dispense de consanguinité et sa date de délivrance (intéressante car la minute correspondante, si elle existe encore, contient un petit arbre généalogique), dispense d’affinité, établissement d’un contrat de mariage, reconnaissance d’un enfant né avant le mariage…
Notez enfin que sous l’Ancien Régime, le mariage avait généralement lieu dans la paroisse d’origine de la mariée.
Synthèse des abréviations rencontrées
En complément de ce décryptage, voici la liste des abréviations que contient l’acte étudié, complétée de quelques autres abréviations courantes dans les actes des registres paroissiaux. Cette liste d’abréviation dans les actes de mariage des registres paroissiaux reste toutefois incomplète, ne prenant pas en compte, entre autres, les particularismes régionaux voire locaux que vous pourrez rencontrer lors de vos recherches généalogiques.
Notez que les abréviations peuvent apparaître sous plusieurs formes : suivies ou non d’un point, surmontées ou non d’un trait ou d’un « tilde », avec une partie en exposant (éventuellement soulignée) ou non…
|
septembre octobre novembre décembre dits demeurant femme habitant ledit / ladite Maître opposition paroisse présence Prêtre Sieur Sainte susdit(s) veuf / veuve |
ou 7bre ou 8bre ou 9bre ou Xbre, 10bre… (peu fréquent) variantes : « d. », « dict », « dt », « dts », « dud », « aud. » – – – – – – écrite aussi « psse » (qui peut sembler être « pffe ») ou « psse », « parr » aussi « pce »… ou « ptre » ou « Sr » – – – |
Les prénoms peuvent aussi faire l’objet d’abréviations (Xtophe pour Christophe, fran pour François…).
La citation
« Libre n’est pas celui qui refuse de s’engager. »
Christiane SINGER (1943-2007)
Éloge du mariage, de l’engagement et autres folies, p.18, Albin Michel, 2000
J’ai vu dans un acte du 18ème siècle les lettres b et s qui semblaient placées pour la naissance et le décès.
Savez-vous ce que ces lettres représentent comme mots ?
Merci.
Marie
Bonjour Marie,
Au 18ème siècle, il s’agit d’actes de registres paroissiaux. « b » signifie donc baptême et « s » sépulture (on trouve également « inh » pour inhumation).
J’espère avoir ainsi répondu à votre question.
Bien sincèrement,
probablement b pour baptême ; s pour sépulture
Ping : Noces d'or en Sarthe à la fin du XVIIIe siècle | Yvon Généalogie
Bonjour,
On rencontre souvent garçon à marier, ou fille à marier dans les actes ancien , a t on une idée precise de l’age correspondant ?
Ex en 1656 ?
En février 1789, j’ai pu vérifier qu’un garçon était majeur à 25 ans , y a t il une correspondance avec la notion » à marier » ?
Cdlt,
Bernard
Bonjour Bernard,
Autrefois, le mariage avait lieu en fonction de la puberté et non par rapport à la majorité.
Jusqu’en 1792, l’âge minimum pour le mariage était de douze ans pour les filles et de quatorze ans pour les garçons, pendant la révolution, il était respectivement de treize ans et quinze ans.
Ensuite et jusqu’à aujourd’hui cet âge « de puberté légale » ou de « nubilité » fut porté à quinze ans pour les filles et à dix-huit ans pour les garçons. Les jeunes gens à marier devaient obligatoirement avoir l’accord de leurs parents.
La majorité matrimoniale, âge au-dessus duquel le consentement des parents n’est plus exigé, était au 17e siècle (ordonnance de Blois 1579) de 25 ans pour les femmes et de 30 ans pour les hommes. Sous la révolution 21 ans pour les deux puis, le code civil en l’an XIII, passa cette majorité à 21 ans pour les filles et 25 ans pour les garçons et enfin en 1907, à nouveau 21 ans pour les deux. Ce n’est que depuis 1974 que cette majorité est passée à 18 ans pour les deux.
La majorité matrimoniale diffère un peu de la majorité civile (âge auquel on est juridiquement considéré comme civilement capable et responsable).
J’espère que tout cela répond à votre question.
Bien sincèrement,
Tatiana
Bonjour, j’ai lu dans un acte de mariage de 1769 que le futur époux âgé de 29 ans était « dûment autorisé par procuration de ses pères et mère en bonne forme en date de 1765 par devant notaire royal soussigné contrôlé ? le dit jour ». Quelles informations puis-je en tirer ?
Merci.
Bien à vous.
Nathalie
Bonjour Nathalie,
A cette époque, La majorité matrimoniale étant de 30 ans pour les hommes, le consentement des parents (ou des ascendants) était donc indispensable si le jeune homme à marier n’avait pas atteint cet âge.
Dans votre cas, les parents de l’époux étaient absents lors du mariage, peut-être parce qu’ils habitaient un lieu trop éloigné. Ils ont donc signé une procuration auprès de leur notaire stipulant qu’ils consentaient au mariage de leur fils. Cette procuration, remise au curé de la paroisse du lieu du mariage, valait autorisation.
Bien sincèrement,
Tatiana
Bonjour et merci pour votre réponse. Je me permets d’ajouter quelques nouvelles interrogations à ma question :
– la procuration a été établie en 1765 et le mariage a eu lieu en 1769. Vraisemblablement 1765 correspondrait à l’année où le futur époux a quitté sa région natale (il est né à 800 kms d’où il s’est marié). Pensez-vous qu’il peut exister une autre raison pour que la procuration ait été signée 4 ans avant le mariage ?
– est-ce que le consentement des parents à cette époque s’établissait obligatoirement devant notaire, qu’ils soient agriculteurs, artisans ou commerçants ?
Merci par avance.
Bien à vous.
Nathalie
Bonjour Nathalie,
Concernant la date de la procuration, je n’ai pas de réponse certaine mais votre supposition ma paraît plausible.
Quant à la procuration, il n’était pas obligatoire qu’elle se fasse devant notaire mais il était coutume de le faire comme beaucoup d’autres transactions à l’époque et quel que soit le milieu social. Une façon de se préserver de tous litiges.
Bien sincèrement,
Tatiana
bonjour
pourrais-je savoir dans quelle commune de l’époux ou de l’épouse était en principe établi un contrat de mariage au début du 18ème siècle.
Merci d’avance
A la fin du 18ième siècle on voit apparaître dans les actes de mariage la mention du contrat de mariage reçu par le notaire.
Savez-vous quelle ordonnance imposa aux curés cette obligation ?
Merci d’avance pour votre réponse.
Michel GIRARDOT
Bonjour
Dans l’acte de décès d’un de mes sosas en 1744, il y a plusieurs prêtres présents cités sur l’acte. Certains noms sont précédés de Mr, un autre de Me.
Savez-vous ce que cela signifie ?
Pour Mr, je pensais à Monseigneur mais Me, je ne vois pas…
(c’est à la page 87 droite de ce registre, inhumation de Michel Duclos : http://archives.numerisees.calvados.fr/cg14v3/visualiseur/visu_registre.php?id=140024184&PHPSID=92411b8888cbe33a3dcf677795f52a28&w=1600&h=900#)
Merci
Bonjour Valérie,
Effectivement Mr correspond à Monseigneur, le prêtre est sans doute chapelain de sa Sainteté, c’est à dire qu’il a été honoré par le Pape.
Quant à Me, il s’agit de Messire, titre que l’on donnait généralement aux prêtres.
Bien sincèrement,
Tatiana
Merci pour votre réponse.
Je découvre votre blog avec tant de plaisir que j’en ai un peu oublié de travailler ce matin… 😉
Mr = Monsieur
Me = Maître
Il était de coutume que les ecclésiastiques se somment Monsieur Maître
Bonjour dans un acte de naissance de 1677 l’un de mes ancêtres: dans la marge est écrit « Délivré le » et une date
– Que signifie cette mention?
Est-ce la date de son mariage?
Merci de votre réponse
Bonjour Cédric,
Effectivement, il s’agit de la date d’une demande de copie de l’acte de baptême qui suggère donc qu’un mariage a eu lieu quelques temps plus tard.
Bonjour
Après quelques recherches aux archives de Paris, je m’aperçois en recoupant les dates qu’un homme s’est marié une deuxième fois avant la mort de sa première épouse.Premier mariage en1767 et deuxième en 1788. Sa première femme est décédée le 5 prairial an IX soit le 25 mai1801. Existait-il à votre connaissance des possibilités de mariage en « nullité »à cette époque et pour quelles raisons?
Merci
Bonjour,
dans un acte de baptême en date du 23 avril 1773, j’ai lu les abréviations » h:h:g:g: » devant le nom du parrain, abréviations que je n’ai pas revues ailleurs à propos de la même personne citée à d’autres occasions. Que veulent-elles dire ? Merci pour vos aides.
Hervé,
Il s’agit d’une abréviation pour honorables gens. Donc sûrement appliqué au parrain et à la marraine, vu le double HG HG.
Bonjour, quand je tombe sur des actes de mariage rédigés en latin, je trouve toujours le mot soluti dans la marge sous le nom des époux. Est-ce que vous savez ce que cela veut dire ?
En vous remerciant,
Mireille
Bonjour,
Soluti dans l’acte de mariage signifie célibataire. Le sens littéral est libéré sans entrave.
Cédric
Bonjour,
En recherchant l’acte de mariage acte d’un aïeul, (Lille- Mai 17O1) j’ai découver la mention inhabituelle » obtenta super duobis bannis dispensationne »
A quoi peut correspondre cette dispense de bans? Problème de consanguinité?
Les mariages pouvaient-ils avoir lieu le « mois de Marie »?
Le prêtre pouvait-il l’accorder de lui même ?
Merci de votre réponse