Octobre 1912 : « prédiction » de la bataille la Woëvre en… 1915 !

L'Ouest Eclair (Rennes) - une du 17 octobre 1912 - extrait

Lors de mes recherches pour préparer l’éphéméride d’octobre 1912, un article à la une de l’Ouest Eclair du 17 octobre m’a interpellé et amené de découverte en découverte. Ce que d’aucun nommerait « sérendipité » – un concept passionnant – mais que je qualifierais plus humblement de « surprises et petits plaisirs de la recherche sur Internet ».

La bataille de la Woëvre – 1915, par le baron de Mauni

La thèse du baron de Mauni

L'Ouest Eclair (Rennes) - une du 17 octobre 1912En 1915 paraît donc un ouvrage intitulé « La bataille de la Woëvre – 1915 ». Il est présenté comme un rapport adressé à sa Majesté Victor-Émmanuel III, roi d’Italie, par le major-général N. Braccio di Montone, traduit par Félix DEPARDIEU alias le baron de Mauni. Vous pouvez trouver ici la transcription complète de l’article en une de l’Ouest Eclair du 17/10/1912.

L’auteur y développe la thèse d’une guerre qui se déclare en 1915 entre la France et l’Allemagne, sur la question de la fortification de la ville de Nancy, et prend la forme d’une bataille dans la Woëvre pendant laquelle l’aviation joue un rôle primordiale.

Autant dire que si l’atmosphère belliqueuse de l’époque fait qu’évidemment le baron de Mauni a raison, dans les grandes lignes, les faits contrediront ses « prévisions » :

  • La guerre fut déclarée en 1914 et non 1915.
  • La question de la fortification de Nancy ne joua aucun rôle dans son déclenchement.
  • Le théâtre des opérations s’entendit à tout l’est de la France, et non à la seule plaine de la Woëvre. La Belgique fut envahie alors que le baron de Mauni soutenait que cela n’arriverait jamais.
  • L’aviation participa aux combats mais ne fut pas décisive. Pour le baron de Mauni – qui par ailleurs décrit de manière aussi froide que réaliste les futurs « bombardements stratégiques » dans lesquels périrent tant de civils – elle devait pourtant mettre fin à la guerre :
    Après quatre jours de bataille, les Français remportent une victoire éclatante. Une armistice est conclue et la France se voit rendre ses frontières d’avant 1870 et même celles de 1814.

Bataille de la Woëvre, 1915Finalement, ce qui me glace le sang, c’est que les contemporains semblaient envisager avec une telle légèreté le conflit à venir, inéluctable. Et le journaliste précise : Le récit de ce combat où se heurtent 600.000 hommes, est décrit par une plume nerveuse et brillante. Ce passage du volume est certainement l’un des plus beaux. Sans commentaire.
Et la « bataille de la Woëvre », sur cette plaine entre Moselle et Meuse, eut bien lieu, en 1915.

Bibliothécaires de guerre !

L’article en une de l’Ouest Eclair m’a amené à une deuxième découverte… surprenante !

La Grande Guerre, collection Henri BLANC, 1917Je n’ai pas trouvé l’ouvrage du baron de Mauni parmi les riches collections numérisées de la Bibliothèque nationale de France (qui pourrait l’acquérir, par exemple sur Amazon, pour combler ce manque). J’ai par contre trouvé sur Gallica un autre livre aux enseignements surprenants.

Il s’agit d’une bibliographie datée de 1917 sur « La Grande Guerre » (sic), constituée par le couple d’industriels parisiens Louise et Henri LEBLANC. Alors que les combats faisaient rage et que les fils de famille tombaient par milliers pour la Patrie, quelques « bibliothécaires-collectionneurs » rassemblaient et compilaient ainsi les écrits publiés avant et pendant le conflit. Un recul plus que surprenant sur les tragiques évènements en cours…
Le maire de Lyon de l’époque fut à l’origine d’une initiative similaire, celle de la constitution d’un « fonds de guerre » pendant que se déroulaient les hostilités.
Je ne sais pas si on trouve de tels exemples pendant la deuxième Guerre Mondiale.

La collection Leblanc, donnée à l’État en août 1917, fut à l’origine de la création de la Bibliothèque-musée de la Guerre, aujourd’hui Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine du musée d’Histoire contemporaine (BDIC).

La Woëvre, tombeau anonyme de Louis PERGAUD (1882-1915)

Dernière découverte troublante, une macabre coïncidence.
Comme je l’évoquais dans l’éphéméride de ce mois, en octobre 1912 :

  • paraît le roman La guerre des boutons, de Louis PERGAUD ;
  • est publiée la « prédiction » d’une bataille dans la plaine de la Woëvre en 1915.

Louis PERGAUD (1882-1915), VerdunL’Histoire va, en 1915 justement, associer définitivement ces deux noms : le Sous-Lieutenant Louis Émile PERGAUD, âgé de 33 ans, est déclaré mort pour la France le 8 avril 1915, peu après la bataille de la Woëvre, près de Marchéville-en-Woëvre (Meuse). Troublant, non ?
Son corps ne sera jamais retrouvé.
Sa généalogie est consultable sur GeneaStar.
Louis PERGAUD rédigea pendant les combats son « Carnet de guerre », retrouvé par sa femme Delphine dans sa cantine militaire et dans lequel il rend compte de sa vie quotidienne : les corvées, les revues, la solidarité, les mesquineries de la vie en commun, la bonne santé et la crainte des maladies, la qualité du sommeil, la nourriture…. Le tirage des éditions Mercure de France (2011) est aujourd’hui épuisé, mais je ne doute pas qu’à l’approche des commémorations du centenaire de la Grande Guerre, l’éditeur réimprimera ce témoignage, que je suis impatient de découvrir.

Les noms Pergaud et Woëvre sont aujourd’hui si intimement liés que si vous rechercher des illustrations avec des mots-clés comme « bataille de la Woëvre 1915 », les premières images proposées par Google sont… des portraits du romancier Louis PERGAUD.

La citation de Louis PERGAUD (1882-1915)

« Dire que, quand nous serons grands, nous serons peut-être aussi bêtes qu’eux ! »

La guerre des boutons (1912)

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