Centenaire du protectorat français au Maroc (30 mars 1912)

Je dédie cet article à mon père.

Voilà un centenaire, évoqué dans notre éphéméride de mars 1912, qui ne manquera pas de faire polémique. Dans l’histoire coloniale, ce 30 mars 2012 marque en effet le centenaire de la signature du Traité de Fès (ou Fez), qui plaçait le Maroc sous protectorat français. Un anniversaire peu évoqué dans la presse et par les politiques des deux rives de la Méditerranée, même si l’évènement apparaît bien dans la liste des Commémorations nationales 2012.

Mais je souhaite aujourd’hui lui porter un regard différent, ni politique, ni polémique, en tentant de dénouer cette intime imbrication entre Histoire et histoire des familles

Le Maroc dans l’Histoire : le protectorat français (1912-1956) 1

Bulletin Officiel du Protectorat de la République française au MAROC, n° 1, novembre 1912Le Traité de Fès est signé le 30 mars 1912 par le Sultan Moulay Abd el-Hafid, sous la pression des troupes françaises campant aux portes de son palais. Il établit le Protectorat français dans l’Empire chérifien ou Protectorat de la République française au Maroc et est publié au 1er Bulletin Officiel du Protectorat (consultable ici). Le traité intervient dans un contexte intérieur marocain ainsi qu’international tendus – on a en effet, en 1911, frôlé la déclaration de guerre entre la France et l’Allemagne sur cette question des colonies africaines. Ce protectorat ne fut jamais reconnu par les États-Unis.

Le protectorat français au Maroc en quelques dates :

  • 1912-1925 : Le général (et futur maréchal de France) Hubert LYAUTEY est nommé résident général, représentant la France. Il contribuera à l’édification d’un Maroc moderne.
  • 1912-1934 : campagne de « pacification » ;
    1922-1926 : guerre du Rif, menée pour la puissance coloniale par le maréchal Pétain.
  • 1940-1945 : le Maroc dans la grande guerre.
    Novembre 1942 : débarquement américain.
    Mohammed ben Youssef (futur roi Mohammed V), fidèle à la France libre et qui a refusé d’appliquer les lois antisémites de Vichy, est élevé en 1945 à la dignité de compagnon de la Libération par le général de Gaulle.
    10 à 25 000 Marocains (difficile de trouver des chiffres précis) sont morts pour libérer la France
  • Carte des protectorats du Maroc1953 : déclenchement de la révolution du Roi et du peuple.
  • 1955 : la France renonce à son protectorat sur le Maroc.

Le 2 mars 1956 après de longues négociations, la France, alors déjà empêtrée dans la « guerre » d’Algérie, reconnait l’indépendance du Maroc. L’Espagne fera de même peu après.

Le Maroc et l’histoire des familles françaises

L’histoire de ma famille paternelle est intimement liée à ce destin commun franco-marocain. Comme le sont ceux de nombreuses  familles françaises, illustres 2 ou non.

En 1930, mon arrière-grand-père Alphonse Auguste Eugène ROUX et sa femme Camille ROUCHE quittent l’Algérie – où leurs familles étaient implantées depuis deux à trois générations – pour le Maroc. Ils s’installent avec leur fille Huguette à Casablanca, où naîtront une deuxième fille Claude (1930) et leur fils Christian (1937). La mère d’Alphonse, Maria del Pilar LARROQUE Y REYES décède à Casablanca en 1935.
Bombardement allié sur Casablanca, novembre 1942En novembre 1942, Huguette rencontre dans une cave de la ville européenne un fringant ingénieur d’origine picarde, qui souhaite l’inviter à monter sur le toit assister au « spectacle ». Car dehors tonnent sur le port les canons pétainistes du cuirassé Jean Bart et ceux des forces navales et des avions américains – les seules explosions qu’ils entendront de toute la  guerre. Gilbert QUINOT épousera Huguette un an et demi plus tard en 1944, toujours à Casablanca, et de leur union naîtront quatre enfants (les deux derniers en France), dont l’aîné Lionel, mon père.

Huguette, Fabrice et Lionel à Casablanca, mars 1953

Huguette, Fabrice et Lionel à Casablanca, mars 1953 | collection personnelle

Ma grand-mère Huguette gardera une sourde mélancolie de sa jeunesse dorée – évidemment privilégiée – et ensoleillée. De « princesse » et pianiste émérite au Maroc, elle deviendra mère et ménagère en France. Après la chaleur marocaine, elle connaîtra le froid du Val d’Oise en plein hiver 1954 (on pouvait traverser la Seine gelée à pied sec) puis la Somme, et plus tard, après la Méditerranée, la Manche…
Mon père garde lui aussi de bons souvenirs de son enfance marocaine. Il aime à raconter par exemple la calèche de son grand-père qui le prenait à la sortie de l’école pour le ramener à son bureau, le soda au citron ou à l’orange que ce même grand-père lui offrait pour le faire patienter pendant qu’il terminait son travail… Se souvient aussi de la Simca 8 de son grand-père dans les rues de Casa, des dimanches à la plage d’Aïn-Diab, des évènements de 1954 qui amenèrent la mère et ses deux fils – Gilbert était déjà reparti en France pour son travail – à quitter la Médina pour s’installer à l’abri chez ses grand-parents dans la ville européenne…

En 1954, ce fut le départ vers la métropole à bord d’un paquebot, ironie de l’histoire, baptisé Maroc. Autre clin d’œil historique, le navire suivit, dans une mer houleuse et nauséeuse, la route inverse de celle du Massilia en 1940, de Casablanca à Bordeaux. Puis la France, cette inconnue…

Seul mon père nous transmet encore aujourd’hui un peu, si peu, de cet héritage africain.

La plage d'Aïn-Diab, Casablanca (Maroc)

La plage d'Aïn-Diab

Casablanca en 1952 (Maroc)

Casablanca en 1952

CPSM - paquebot Maroc

Paquebot Maroc

 

Et vous, votre histoire familiale est-elle mêlée à l’Histoire coloniale française ?

La citation

« Notre destin, quand nous voulons l’isoler, ressemble à ces plantes
qu’il est impossible d’arracher avec toutes leurs racines. »

François Mauriac, dans Thérèse Desqueyroux

1. Sources :

Pour aller plus loin…

2. Liste (non exhaustive) de personnalités françaises nés au Maroc sous le protectorat français (1912-1956) : le footballeur Just FONTAINE (1933, Marrakech), l’homme d’affaires Maurice LÉVY (1942, Oujda), l’auteur-compositeur-interprète Jean SCHULTHEIS et le docteur et femme politique Michèle BARZACH (1943, Casablanca), Alain SOUCHON, Daniel PENNAC et le physicien Serge HAROCHE (1944, Casablanca), la femme politique Élisabeth GUIGUOU (née VALLIER, 1946, Marrakech), l’acteur Jean RENO (1948, Casablanca, de parents espagnols), le journaliste et écrivain Pierre ASSOULINE (1953, Casablanca), Dominique DE VILLEPIN (1953, Rabat).

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