En m’baladant dans les registres BMS de Saint-Saturnin (Cher),
je me suis exclamée :
« mais qu’est-ce donc que cette bizarrerie ‽ » 🙂
Asimon, Assimon, Abonnet, Athomas…
En tournant les pages du registre BMS 1607-1672 (1674 en fait) de Saint-Saturnin (Cher), je rencontre quelques noms de famille surprenants. Je lis une fois, deux fois. ASIMON, SIMON, ASIMON ?
Pourtant, pas de doute, c’est bien ça !
A SIMON, ASIMON, mais aussi ASSIMON et encore A BONNET, ABONNET et ATHOMAS (ou ATHOMMAS)!
Mais qu’est-ce donc cela ?
1 Le dixseptiesme jour de decembre lan
2 mil six cens vingt ung a este baptise
3 Jehan assimon fils de saturnin assimon
4 et de Jehanne abonnet ses peres et
5 meres et a este son parrain Jehan
…
Le prêtre du lieu a donc, selon sa fantaisie, rajouté un « a » devant certains noms de famille. Ce préfixe peut être collé au nom ou non (A SIMON, ASIMON) et agrémenté éventuellement d’une consonne supplémentaire (sans doute du fait de la prononciation, comme pour… ASSIMON). Le préfixe peut évidemment aussi être absent… pour désigner les même individus qui malheureusement ne signent pas. Dommage, j’aurais bien aimé voir comment les personnes concernées écrivaient leur nom de famille. Il faudrait que je poursuive la lecture des registres paroissiaux de Saint-Saturnin…
J’ai par ailleurs aussi trouvé dans le registre des porteurs du nom AMIOT, mais là, c’est une autre histoire les amis, même si le brave curé ne se prive pas, par analogie sans doute, de l’écrire parfois A MIOT ! 😉
Fils de… Fille de…
Le préfixe « a », suivi du nom du chef de famille d’origine, signifie « fils de » ou « fille de » (à l’origine, « le fils à… »). Il précède donc en général un nom de baptême. Il s’agit là d’une pratique avérée dans le centre de la France, et en particulier dans le Berry.
Selon le même principe, on peut penser que le nom ALASSEUR – un porteur de ce nom rencontré dans le même registre trace une très belle signature ALLASSEUR – peut être aussi basé sur un lien de parenté, désignant soit la soeur du chef de famille, soit par ellipse le fils de la sœur.
En fait, ce registre du XVIIe siècle me fait penser à une coupe géologique, appliquée à l’onomastique. Il nous raconte en effet la formation des noms de famille, avec ses hésitations orthographiques, ses sédimentations… Outre ces noms préfixés d’un « a » indiquant à l’origine la parenté, on trouve aussi des noms avec des variantes orthographiques qui ont subsisté jusqu’à nous en tant que patronymes différents (ex. FROMENTIN, FROMENTEAU). Sont aussi présents dans le registre des noms issus de toponymes (PILLEUX, BOURDEAUX, lieux-dits de la paroisse de Saint-Saturnin), préfixés parfois, mais cette fois par un « de » évidemment (ex. DE CHAMPEAU et DE LA TAN[N]IÈRE).
Et aujourd’hui ?
Ces noms de famille ne sont aujourd’hui pas très fréquents. Concernant celui qui m’a le plus surprise, ASSIMON, on compte tout de même 236 naissances en France entre 1891 et 1990, principalement dans le Berry, Indre et Cher, et dans la Creuse (source INSEE). Une recherche dans les Pages Blanches renvoie 77 réponses, dont un tiers dans la région Centre.
Les autres noms de famille sont devenus extrêmement rares, voire ont quasiment disparus : ATHOMAS (47 naissances sur la même période), ABONNET (19 naissances) et ASIMON (5).
Notez que l’on trouve aussi d’autres noms de famille construits sur ce principe : AGEORGES, AMARTIN, AMATHIEU, etc.
Fils de… & Filles de… de France et d’ailleurs
Le préfixe « a » que nous venons de rencontrer a son équivalent en Bretagne (préfixe « ab », tel dans ABALAIN, ABHERVÉ…) ainsi qu’au Pays-de-Galles (« ap »). En Irlande, le fameux « O » signifie « issu de ».
Quelques exemples dans le monde, tiré d’une page sur le site d’Heredis :
Robertson dans les pays anglo-saxons, O‘Neal en Irlande, Mac Angus ou Fitzgerald en Ecosse, Fernandez en Espagne, Fernandes au Portugal, Ben Ali ou Ibn Saïd dans les pays arabes, De Angelis, Di Marco ou Martini en Italie, Angelopoulos en Grèce, Karlovic dans les Balkans, Ivanov, Ivanovitch en Russie, Davydenko en Ukraine, Horowicz en Pologne, Andersen au Danemark… On notera la spécificité islandaise d’utilisation du suffixe « döttir » signifiant « fille de » à la base de nombreux noms de famille dont celui de l’ancienne présidente Finnbogadottir.
La citation
« Un nom, c’est un moi ! »
s’exclamait Jean Valjean dans Les Misérables.
2 réponses à Fils de… Fille de… Préfixes dans les noms de famille