Suivons les traces des romains, qui célébraient ce premier jour de la nouvelle année en le consacrant à Janus, dont les deux visages regardent à la fois le passé et l’avenir. J’ai parcouru pour vous sur Gallica les unes des journaux des 31 décembre 1911, et 1er et 2 janvier 1912…
Le nouvel an fleuri
La vente du gui, au premier janvier
Paris avait pris, cet après-midi, son grand air de fête : petits et grands, les bras chargés d’étrennes offertes ou à offrir, se pressaient sur nos boulevards, la figure illuminée de gais sourires. Marchands de jouets, marchands de bonbons ont été dévalisés !
Si les uns et les autres ont fait de belles recettes, il en est de même des marchands de fleurs. Les Parisiens, on le sait les adorent : roses , violettes, mimosas, se sont, aujourd’hui, partagé leurs faveurs.
Chez les fleuristes à la mode, les clients et clientes choisissaient les hautes gerbes souples et les corbeilles faites avec un art exquis : des louis d’or en acquittaient le prix.
Aux petites voitures, devant les paniers des marchandes ambulantes, les passants s’arrêtaient et, pour quelques sous, emportaient de modestes bouquets que chacun se piquait à la boutonnière ou au corsage.
Si certains jouets passent de mode, les fleurs, elles, sont plus que jamais au goût du jour.
Voici ce que vous pouviez lire en première page de l’édition du journal La Presse du mardi 2 janvier 1912. Mais ces considérations fleuries ne donnent pas vraiment le ton…
1912 : disparition des traditions du jour de l’An ?
Si Le Figaro « adresse ses souhaits les plus affectueux de Nouvel An à ses abonnés et à ses lecteurs, dans l’ensemble les journaux d’alors restent plutôt discrets sur l’ « évènement » du jour de l’An, et titrent sur l’actualité politique, internationale ou judiciaire du moment, et notamment les relations… franco-allemandes, qui devaient deux ans plus tard dégénérer comme on sait.
L’air du temps était à la morosité, jugez plutôt…
Dans les colonnes du journal Le Gaulois du 31 décembre 1911, René Doumic, de l’Académie française, déplore la disparition des coutumes du jour de l’An, qui « s’en vont peu à peu, comme tout ce qui nous venait d’autrefois et prolongeait parmi nous les rêveries, les mélancolies, les tendresses anciennes ».
L’Année s’achève
Le jour de l’An a beaucoup perdu de son actualité.
Jadis, c’était une fête dont on mesurait tout de suite l’importance au nombre et à la solennité des rites dont elles s’entourait. D’un bout à l’autre de la société courait un frisson de salutations qui faisait se plier les épaules et se courber les têtes. […] Dans les familles se célébraient d’innombrables cérémonies intimes qui, de chez les grands parents jusque chez les cousins éloignés, promenaient toute la maisonnée […]. Toutes les bouches s’arrondissaient et il n’en tombait que des propos agréables. On respirait de la bienveillance dans l’air. […]
Cela durait un jour par an : c’était énorme !
De 1911 à 1912 dans la morosité…
Dans un autre registre, les chroniqueurs dressent le bilan de l’année 1911 écoulée.
Ainsi A. Claveau, dans les colonnes du Figaro du 31 décembre :
Depuis que je fais l’oraison funèbre des années mortes, je ne crois pas en avoir rencontré une seule dont l’existence ait été aussi inquiète et troublée. Celle-ci me rappelle le fameux exorde de ce Tacite qu’on ferait bien de relire et qu’on ne lira bientôt plus : Opus agredior opimum casibus… ipsa etiam pace saevum : J’aborde une histoire calamiteuse… et cruelle, même dans la paix !
Et le rédacteur de conclure : En un mot, le volcan humain est en pleine éruption. Nul ne peut savoir ce que sa lave engloutira.
Un article, et des mots, qui semblent étrangement d’actualité lorsque l’on pense à l’année 2011 écoulée. Mais espérons que la comparaison s’arrête là, car le journaliste ajoutait Rassurons-nous ; probablement rien !
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Or deux ans plus tard, le volcan explosait…
Émmanuel Desgrées du Lou, Directeur Politique (sic) de L’Ouest-Eclair, écrivait le 1er janvier 1912 : L’année qui vient de finir nous laisse, comme les précédentes, des impressions mêlées et contradictoires. Joies et tristesses, quelques lueurs sur un fond de ténèbres, c’est toute la figure du monde qui passe.
Et ses mots sont ensuite un nouveau clin d’œil (ou un miroir tendu) du passé à notre monde actuel :
Nous avons assisté, nous assistons encore à l’évolution d’un double phénomène : pendant que la France officielle, la France articielle, oserai-je dire, celle des ministres, des députés, des politiciens de profession, des détenteurs et des administrateurs de la puissance publique, décline et se dissout, la France réelle, celle des gouvernés, celle qui travaille, qui pense et qui produit, se réveille, interroge et cherche sa voie.
Tout a été dit, ces derniers temps, sur les crises diverses, les soubresauts, les incohérences et les scandales où s’est usé et discrédité le monde politique et parlementaire. A cet égard, nous sommes descendus aussi bas que possible.
Bon, peut-être les contemporains jettent-ils toujours un regard très critique sur le monde dans lequel ils vivent, considérant leur époque comme la pire de tous les temps ?
2011, année généalogique – 2012…
J’espère que vous me pardonnerez cette petite digression, mais je ne pouvais pas conclure un billet sur le changement d’année sans évoquer… la généalogie !
Et vous constaterez que ce n’est pas la morosité ! 😉
2011 a apporté son lot de cadeaux – numériques – aux généalogistes. Pour reprendre les termes de l’article du blog GénéInfos qui en fait la rétrospective, l’actualité généalogique en 2011 a été d’une richesse exceptionnelle !
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Signalons par ailleurs le renouveau de GénéaNet, un des acteurs incontournables de la généalogie sur Internet, et qui a déjà fait son bilan 2011. Saluons aussi la richesse de Gallica, qui ne relâche pas ses efforts de numérisation et enrichit chaque semaine ses collections, pour le plus grand plaisir des généalogistes.
Que souhaiter pour 2012 ?
Toujours plus d’archives en ligne, plus de communes dans les départements qui n’ont publié qu’une partie de l’État-Civil, de nouvelles séries d’archives sur Internet, comme les recensements, fiches-matricule… Après les 12 nouveaux sites d’archives départementales en ligne en 2011, les derniers départements manquants vont bientôt faire figure de retardataires, voire réfractaires aux nouvelles technologies… 😉
Alors en 2012, le 7 mars, les AD de Seine-Maritime vogueront-elles sur les flots numériques ? J’attends, d’autant plus que le nouveau site des archives est aussi attendu pour le mois de mars.
Et les AD du Calvados… resteront-elles longtemps l’irréductible bastion contre la gratuité de l’accès… à notre patrimoine ?
Enfin, j’émettrais trois derniers souhaits :
- une simplification et harmonisation nationale concernant les licences de réutilisation des données ET images conservées par les Archives Départementales (et autres) ;
- une multiplication des initiatives collaboratives, utilisant les nouvelles possibilités du Web 2.0, à l’instar des Archives Départementales de Vendée ;
- une offre de service public de stockage et sauvegarde, pour que le patrimoine numérique des familles soit préservé.
Bonne année 2012 !
Tatiana
La citation optimiste
Parmi ses confrères de la belle époque, le journal Le Petit Parisien, « le plus fort tirage des journaux du monde entier » (sic), se démarquait le 31 décembre 1911 de la morosité ambiante :
A l’heure où nous sommes il y a de l’impatience dans bien des cœurs. […]
Le commencement de l’année a toujours été une occasion de plaisirs, de réjouissances et de cadeaux réciproques. Il semble que les soucis, les maux, les chagrins prennent fin avec l’an qui se termine. Tout se pare des couleurs de l’espérance. Un vieux proverbe français le dit très heureusement, dans sa jolie concision :An de nouveau,
Tout nous est beau.
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