Le dossier VARABOURG (1ère partie) : enquête généalogique au XVIIIe siècle

Signature de Jean VARABOUR, juin 1740, registres de Lombron (Sarthe)

 

Le 9 novembre 2004 je découvre à Lombron (actuelle Sarthe) en date du 7 juin 1740, le mariage de Jean VARABOUR ou VARABOURG avec Marie Renée OUDINEAU ou HOUDINEAU, ancêtres de mon époux. À la lecture des premières lignes de l’acte, je sais déjà que « mon » Jean VARABOURG est un drôle d’oiseau, un de ces SOSA qui vous filent entre les doigts et vous donnent du fil à retordre.
Début d’une enquête généalogique qui a rebondi… sept ans plus tard, en ce mois de janvier 2012 !

Le mariage de Jean VARABOURG en 1740 à Lombron

AM VARABOUR Jean OUDINEAU Marie Renée, 1740, Lombron (72)

BMS 1740-1759 - 1 Mi 1094 R3 - vue 6 | © AD-72

L’acte de mariage de Jean VARABOURG et Marie Renée OUDINEAU occupe deux pages dans les registres paroissiaux de Lombron. La moitié de l’acte est consacrée à ce brave VARABOURG. LANGOISSEUX, curé de Lombron, y mentionne plusieurs documents, dont deux (pourquoi deux ?) extraits de baptême de Jean VARABOURG, le certificat de mort du père du marié et… lenqueste pour prouver la mort de la mère dud. varabourg. Intéressant !  Sont citées rien moins que 10 personnes (deux vicaires généraux, un prêtre vicaire, un curé, trois vicaires, un lieutenant général, un maire et un greffier), dépendant des diocèses du Mans évidemment, mais aussi de Rheims, ainsi que du baillage d’Arbois en Franche-Comté. Le curé mentionne dans l’acte sept pièces cy atachée.
Quelle est la raison de toute cette mobilisation administrative ? Quelles sont les difficultés évoquées par le curé concernant ce mariage, difficultés qu’il a soumises à sa hiérarchie du diocèse qui en a in fine autorisé la célébration ?

Finalement, la deuxième partie de l’acte est plus classique : Jean VARABOURG et Marie Renée HOUDINEAU, tous deux de cette paroisse sans opposition ny empeschement comme nous le certifions en consequence ce jourdhuy septiesme juin mil sept cent quarante nous avons conjoint lesd. parties en mariage par paroles de present avec les ceremonnies acoutumees.

Je note donc dans notre généalogie que Jean VARABOURG a été baptisé à Vienne-le-Château, diocèse de Reims (actuel département de la Marne… dont les archives n’étaient pas en ligne à l’époque). Ses parents sont Nicolas VARABOURG et Nicole AUBRY, tous deux décédés à la date de son mariage. Aucun témoin de la famille de l’époux n’est mentionné.
Un ancêtre champenois ! Une découverte qui fait d’autant plus plaisir qu’à l’époque, la généalogie de Renan était sarthoise quasiment à 100% ; mais pour pousser plus avant les recherches, il faudra attendre…

Je poursuis ma lecture du registre paroissial de Lombron, à la recherche des enfants du couple. Quelques pages plus loin, je trouve… les sept pièces du dossier constitué par le curé pour le mariage de Jean VARABOURG (en tout 12 vues dans le registre numérisé) ! Je ne sais plus si j’ai crié, sauté, ou si je suis restée bouche bée, mais quelle émotion de découvrir dans les registres de tels documents concernant un ancêtre direct. Et quand je pense à toutes ces bonnes volontés qui ont permis à ces témoignages précieux d’arriver jusqu’à nous : un curé pointilleux, des archivistes consciencieux…

Les sept pièces du dossier du mariage de Jean VARABOURG

Le curé de Lombron expose au grand vicaire de Monseigneur l’évêque du Mans dans une lettre datée du 24 novembre 1739 (écrite alors qu’il avait déjà initié une véritable enquête), les difficultés qu’il trouve dans ce mariage :

  1. Lettre du curé LANGOISSEUX de Lombron (Sarthe) du 24 novembre 1739 - BMS 1740-1759 - 1 Mi 1094 R3 - vue 31Jean VARABOU me presente son extrait de bapteme ou le nom et surnom de sa mere ont ete omis et adjoute après coup dune autre main et dune autre encre [les Experts avant l’heure !]
  2. il ne presente point de certificat de mort de sa mere, or le curé semble très attaché à l’obtention du consentement de la mère… si toutefois elle est vivante évidemment.
  3. il ne réside dans la paroisse que depuis la fin de février dernier ou le commencement de mars.
    Le curé évoque donc l’édit royal de 1697 pour exiger la publication de bans à Paris, précédent domicile du futur marié.

Reprenons point par point l’enquête du curé LANGOISSEUX.

1. Mais qui est donc sa mère ? Faux en écriture…

Le vicaire de Vienne-le-Château évoque le 19 mai 1740 le certificat que le Sr varabour à falsifié mal à propos. Il précise dans sa réponse au curé de Lombron : comme dans ces sortes d’actes nous sommes indispensablemt obligés de nous attacher à la lettre, on n’a pû substituer le nom de la mere dudt varabour, qui est resté en blanc dans les registres [le cauchemar du généalogiste], attendû que personne apparemment de ceux qui ont assisté à son baptême ne le savoit. Je ne crois pas qu’au bout de 45 ans il soit loisible à qui que ce soit de l’ajouter.
C’est pourtant ce qui a été fait sur cet extrait daté de 1737 :

Extrait des registres de la paroisse de Vienne-le-Chateau (Marne) daté du 11 novembre 1737 - BMS-1740-1759 - 1 Mi 1094 R3 - vue 37, détail

Les deux extraits d'acte de baptême : le premier de 1737 (falsifié) et le deuxième de 1740...

Extrait des registres de la paroisse de Vienne-le-Château (Marne), 1740 - BMS 1740-1759 - 1 Mi 1094 R3 - vue-36, détail

Mais le curé de Lombron s’en satisfera finalement ; le diocèse du Mans ne daignant d’ailleurs pas lui répondre sur ce premier point.

2. Sa mère est-elle décédée ? Enquête généalogique…

Le 29 février 1740, le greffier du bailliage d’Arbois écrit au curé de Lombron qu’ après une exacte Recherche que j’ay fait dud acte d’inhumation dans les Registres de cette paroisse reposants en ce greffe sans l’avoir pû trouver [déjà des recherches dans les archives !]. Finalement, le même greffier fait témoigner sous serment deux anciens voisins de Nicole AUBRY qui se souviennent unanimement d’avoir connu lad abry pour estre leur voisine, laquelle deceda il y a environ vingt cinq ans, & fut inhumée au cimetiere de l’Eglise paroissiale Saint just de cette ville.

Concernant ce point, le diocèse du Mans stipule dans sa réponse qu’ il n’est d’aucune consequence, car quand même elle [sa mère] seroit vivante, il ne seroit sujet qu’a la peine d’exheredation, s’il se marioit sans son consentement, etant majeur de plus de 43 ans. Jean risque donc « simplement » d’être déshérité.

3. Est-il vraiment célibataire ? L’édit royal de 1697…

Édit royal de septembre 1697Par l’édit de septembre 1697, Louis XIV institue les « offices de Controlleurs des Bans de Mariage », et en fixe les règles de fonctionnement. Il traite notamment des lieux de publication des bans lorsque le futur époux, etranger dans un pays, réside depuis peu de temps dans la paroisse. 1 Le but était évidemment de s’assurer du réel célibat du futur, c’est-à-dire l’absence de mariage, mais aussi de promesses de mariage dans une autre commune.

Le vicaire de Vienne-le-Château cité plus haut, qui signe vôtre très humble et très obeissant serviteur conclut ainsi sa lettre : Après cela, Monsieur, comment vous certifier le celibat de ce personnage, je vous le demande a vous même ?. Le curé de Lombron devra donc se contenter, concernant l’absence d’engagement de Jean VARABOURG, de quelques témoignages de plusieurs personnes dignes de foi, rapportés par ses correspondants.
Le diocèse du Mans balaye avec légèreté ce dernier point, arguant notamment, sans doute après avoir convoqué Jean VARABOURG : il m’a dit qu’il attendroit a la fin du mois de fevrier ; alors il aura acquis le domicile fixé par l’edit de 1697 [1 année de résidence donc]. Il n’y aura donc pas de bans publiés ailleurs qu’à Lombron, commune de résidence du futur époux et paroisse de naissance de la future épouse.

Quelle a été la motivation du curé de Lombron pour mener une telle enquête ? On ne peut sur ce point qu’émettre des hypothèses. Une droiture sans faille et une exigence de respect des lois canoniques et royales ? Une pression des parents de la future épousée, apparemment « bourgeois » du village (le père OUDINEAU est chirurgien) ? Le souci – que peut suggérer son nom, LANGOISSEUX – de s’exonérer de toute responsabilité, et de se protéger ainsi d’une hiérarchie tatillonne ? …
Quoi qu’il en soit, il nous lègue toutes les pièces d’un passionnant puzzle. Peut-être un jour en ferai-je un roman…

Le parcours de Jean VARABOURG

Notre Jean VARABOURG qui convole en justes noces dans la Sarthe, a été baptisé à Vienne-le-Château, pays de Clermontois, diocèse de Reims (actuel département de la Marne). Ses parents sont Nicolas VARABOURG, décédé à Arbois, diocèse de Besançon, Franche-Comté, et Nicole AUBRY, décédée… a priori entre 1713 et 1715… on ne sait où. Et un des vicaires de préciser que son pere et sa mere n’étoient sans doute point originaires de Vienne. On connait aussi un beau-frère, Just MASSIETTE, cité dans un des documents et qui aurait eu Jean à sa charge. Quelle famille !

CPA - Lombron (72) - Château de LoresseJean est un honnête garçon, qui a este envoyé de paris par monsieur de viennay 2 au Chateau de loresse [ci-contre] en qualité de jardinier le quinze feuvrier 1739. Il exerçait auparavant le même métier au couvent des Chartreux à Paris, après avoir œuvré au jardin du Roi à la Meute près de Paris (bois de Boulogne).
On ne sait quelle éducation il a reçue, mais il signe d’une écriture sans fioriture et d’une main assurée.

À la fin de sa vie, Jean VARABOURG est dit mendiant. Tout comme sa femme, et comme le sera aussi un de ses fils, François, marié trois fois. Renan descend d’un autre de ses fils, Louis, journalier, né en 1752 à Thorigné-sur-Dué (Sarthe) et qui épousa Magdeleine PAPIN en 1780 à Duneau (Sarthe).

Il m’a fallu attendre 7 ans, jusqu’à ce mois de janvier 2012 et la mise en ligne des Archives Départementales de la Marne, pour reprendre le fil de mes recherches…
La suite dans le deuxième article !

=> Le dossier VARABOURG (2ème partie) : enquête généalogique au XVIIe siècle

______________
1. L’édit de 1697 définit les notions de « paroisse de droit » et de « paroisse de fait », et autorise les curés à marier leurs paroissiens « étrangers » (non baptisés dans la paroisse) après 6 mois de résidence s’ils sont originaires du même diocèse, ou 1 an s’ils viennent d’un autre diocèse. Toute dérogation doit faire l’objet d’une demande auprès de l’évêque du diocèse.
2. Il s’agit a priori de Jacques PINEAU DE VIENNAY, baron de Lucé (Sarthe), Conseiller du Roi, qui en 1738 hérita la terre de Lauresse de son grand-oncle le marquis Jacques LE COUSTELIER DE SAINT-PATER, militaire du Roi Louis XIV.

La citation

Mariage un 7 juin, 7 documents versés au dossier, 7 ans d’attente…

« Il reste à savoir si le mariage est un des sept sacrements
ou un des sept péchés capitaux.
»

John DRYDEN (1631-1700), poète et dramaturge anglais

 

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